C’est une certitude, le sommet est français ! Du moins pour ce côté-ci des Alpes. Parce que pour nos amis transalpins, ça ne fait aucun doute, il est italien. Les cartes françaises de l’IGN sont catégoriques. Mais les cartes italiennes le sont aussi. Alors qui a raison ? Le tracé français fait référence au Traité de Paris de 1796. Le Royaume Sarde avait alors donné la Savoie à la France. Les Italiens s’inspirent du Traité de Turin de 1860, qui stipule que le sommet du Mont Blanc est à la frontière entre les deux pays. Une partie du Mont Blanc appartiendrait donc à la municipalité de Courmayeur.
La guerre des cartes aura bien lieu.
Cette querelle vieille de plus de 160 ans pourrait faire sourire, si l’extrême-droite italienne par la voix de Gorgia Meloni n’en faisait un drame national en affirmant que les cartes françaises ne sont ni plus ni moins qu’une annexion du mont Blanc !
Un peu d'histoire :
Pendant longtemps, le Mont Blanc n’a appartenu ni à la France, ni à l’Italie, mais aux Etats de Savoie, réunissant le duché de Savoie et la vallée d’Aoste.
Vaincu par Napoléon Bonaparte en 1792, le roi de Sardaigne a cédé la Savoie et Nice à la France par le Traité de Paris du 15 mai 1796. Pour la première fois, le massif du Mont Blanc est traversé par une frontière. Mais voilà que le Traité de Fontainebleau en avril 1814 envoie Napoléon en exil à l’île d’Elbe et que le Traité de Paris du 30 mai 1814 restitue une partie de la Savoie au royaume de Sardaigne ! Cela dit, pas pour longtemps, car en échange de son soutien au processus de réalisation de l’unité italienne, la France exige de Victor-Emmanuel II de Savoie qu'il lui rende les territoires sardes de Savoie et de Nice (c’est ce que l’on appelle un chantage !). Le 24 mars 1860, le Traité de Turin intègre donc ces territoires à la France.
L’armée française n'hésite pas à mettre le feu aux poudres, par l’intermédiaire du capitaine Mieulet, cartographe chargé d’élaborer la carte d’état-major de la zone du Mont Blanc. Le nouveau tracé fait que le sommet du Mont Blanc devient intégralement français. L'IGN confirme.
Mais les Italiens, eux, ne confirment pas du tout. Pour eux, la frontière suit la ligne de crête, conformément à la séparation administrative historique entre la Savoie et la Vallée d’Aoste.
Le Traité de Paris de 1947 indique que la démarcation entre les deux pays s’établit au sommet du Mont Blanc. Mais aucun consensus ne se dégage. France et Italie campent sur leur position.
Les Français situent le Mont Blanc sur le territoire de Chamonix, et ignorent l’abrogation du Traité de Paris en 1815 qui annexait la Savoie (rappelez-vous, c'était en 1796!!).
Pour les Italiens, le Traité de Paris ayant été abrogé, il est logique de s’en référer au Traité d’Utrecht signé en 1713 qui délimite les frontières entre le Dauphiné, une partie du royaume de France et le piémont, sous le contrôle de la Maison de Savoie.
Vous me suivez toujours ?!
Sur les cartes italiennes, le tracé respecte la ligne de partage des eaux et le Mont Blanc est situé à cheval entre l’Italie et la France.
A savoir que les cartes allemandes et autrichiennes suivent le positionnement italien, les cartes anglaises suivent le tracé français, et les Suisses, qui ont longtemps adopté la version française, ont pris leur distance en considérant le sommet du Mont Blanc comme un “territoire au statut contesté”.
Personnellement, je trouverais plus logique d’adopter le point de vue italien : le sommet du Mont Blanc en tant que frontière entre nos deux pays n’aurait rien de choquant. Chacun un bout du toit de l’Europe, et tout le monde est content !

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