ROBERTO SAVIANO " GIOVANNI FALCONE" : CHRONIQUE D'UNE MORT ANNONCEE

Publié le 22 mars 2025 à 11:26

L'écrivain-journaliste Roberto Saviano vit sous protection policière depuis 2006. La Camorra, une organisation mafieuse italienne originaire de Naples, ne lui pardonne pas la publication de « Gomorra », un ouvrage dans lequel il analyse minutieusement ses activités criminelles, son infiltration dans divers domaines de la vie quotidienne et ses répercussions sur la société. Menacé de mort, Saviano a dû quitter Naples pour se protéger. Malgré une existence marquée par la clandestinité et le danger, il poursuit son combat acharné contre la mafia.

En 2023, il s'est penché sur la Sicile avec « Solo è il coraggio. Giovanni Falcone, il romanzo », un livre hommage au juge sicilien assassiné par Cosa Nostra en 1992, qui vient de paraître en France sous le titre « Giovanni Falcone ».

L'histoire de Giovanni Falcone est documentée par un travail d'archives remarquable couvrant les quinze années de son combat contre l'organisation criminelle. Falcone était un symbole de courage et de rigueur, conscient qu’un jour il paierait de sa vie son combat contre le crime organisé.

Bien qu'il soit devenu après sa mort un héros pour beaucoup, Giovanni Falcone, dont les enquêtes ont parfois été entravées par des collègues jaloux ou corrompus, a souvent été isolé dans son combat. Cible de discours haineux, accusé de vouloir occuper le devant de la scène, décrit comme vaniteux, mais avant tout incorruptible. Il voyait la loi comme le seul moyen de s'opposer à Cosa Nostra.

La mafia a cherché à ternir sa réputation avant de l'assassiner, le 23 mai à 17H58 précises, avec son épouse Francesca Morvillo et trois membres de son escorte policière sur la route qui va de Punta Raisi à Palerme, à hauteur de Capaci.

L'écriture de cet imposant « roman enquête » (602 pages chez Gallimard) a demandé cinq années de travail à Roberto Saviano. L’auteur explique : « J'ai un peu joué le rôle d'un archéologue, trouvant des fragments, comme une amphore ou un vase, et imaginant leur reconstitution à travers le dessin. Quand je manquais d'éléments, je reconstruisais, utilisant beaucoup les journaux intimes de ceux qui connaissaient bien Falcone. »

Le résultat est un livre captivant, extrêmement bien écrit (le talent de la traductrice y contribue également), qui décrit avec précision la complexité de la Sicile et relate année après année les étapes qui ont conduit à l’assassinat de Falcone. Le fait de connaître les lieux cités par Saviano (Trapani, Palerme, Favignana, Marsala, Agrigento, etc.) enrichit encore ma lecture.

Giovanni Falcone

Photo : Edoardo Fornaciari

Le premier chapitre débute avec l'explosion d'un obus qui tue le père et l'un des frères de Totò Riina, l'un des chefs mafieux les plus redoutables de Sicile, surnommé « la bête ». Le dernier chapitre se conclut sur l'horreur de Capaci : la voiture du juge Falcone est pulvérisée par 500 kilos d'explosifs, un crime orchestré par Riina pour intimider le système judiciaire et freiner l'éradication de ses activités criminelles.

Deux mois plus tard en juillet 1992, l’ami et proche collaborateur de Falcone, Paolo Borsellino est assassiné à son tour : une voiture piégée a explosé alors qu'il se rendait chez sa mère. L'explosion a tué Borsellino ainsi que cinq membres de son escorte.

Attentat de Capaci

Photo : AFP

Ces actes violents ont conduit à une réaction plus ferme de l'État italien contre la mafia, avec un renforcement des lois et des mesures de protection pour les juges et les enquêteurs. D'après Saviano, si la mafia ne tue plus les juges aujourd'hui, elle a trouvé un moyen de les acheter. La criminalité organisée reste un problème en Sicile et dans d'autres régions d'Italie mais également dans toute l’Europe, France y compris.

Une chose est frappante. Falcone-Saviano : ce sont deux vies parallèles, un même combat contre l’ignoble, et surtout un même courage.

Roberto Saviano

Photo : Maki Galimberti

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