L'ORIGINE DE « BELLA CIAO »

Publié le 22 janvier 2025 à 22:45

Depuis quelques années, il est de bon ton de mettre à toutes les sauces la chanson « Bella Ciao ». Le carton de Netflix « La casa de papel » en a fait en 2017 un cri de ralliement, laissant penser aux plus jeunes (ou aux plus incultes) que la chanson avait été écrite spécialement pour la série. En France, Maître Gims, Slimane, Vitaa et Dadju se sont emparés du titre qui est devenu numéro 1 des ventes de singles en 2018, en transformant cet hymne à la résistance en rupture sentimentale. On entend aussi la mélodie version fanfare dans les stades de rugby. On ne compte pas depuis des décennies les nombreuses versions de cette chanson dont l’origine reste assez floue : chant ouvrier, révolutionnaire, antifasciste, de résistance ? Un peu tout ça à la fois.

Certains historiens affirment que la mélodie est issue d’une balade française ancestrale, d’autres qu’elle vient tout droit d’un chant yiddish. Ce qui est sûr néanmoins, c’est que la première version connue de « Bella Ciao » trouve son origine dans les luttes sociales de la fin du XIXe et début du XXe siècle contre l’exploitation des mondine, ces ouvrières saisonnières qui travaillaient dans les rizières de la plaine du Pô dans des conditions extrêmement difficiles.

Les mondine, « émondeuses » en français, désherbaient et repiquaient le riz. De fin avril à début juin, pendant la période d’inondation des champs, des milliers de femmes pauvres arrivaient de toute l’Italie dans le nord du pays pour gagner un peu d’argent. Exploitées, elles travaillaient jusqu’à 12 heures par jour en plein soleil dans l’eau et la boue, le dos courbé, dévorées par les moustiques et les sangsues, et sous les ordres de contremaîtres à la main leste.

Des rizières montaient des chants revendicatifs, repris en chœur par les travailleuses. « Bella ciao » décrit leur dur labeur et se termine par l’espoir qu’elles travailleraient toutes libres un jour. A la fin du XIXe, ces femmes solidaires vont se battre contre ceux qui les exploitent en rejoignant les mouvements de lutte et de résistance, en faisant grève et en se regroupant dans des associations prolétariennes. La lutte des mondine finit par aboutir : en 1905 la journée de travail est portée de 12 à 8 heures. (Pour les cinéphiles, « Riz amer » de Giuseppe De Santis (1949), avec Silvana Mangano, illustre parfaitement la condition des mondine).

Puis « Bella ciao » devient pendant la deuxième guerre mondiale le chant de révolte des partigiani, les résistants au fascisme et à l’occupant nazi. Les paroles de cette version sont modifiées. La chanson raconte l’histoire d’un partisan qui demande à celle qu’il aime de fleurir sa tombe s’il meurt en se battant pour la liberté.

Après la guerre, « Bella ciao » dépasse les frontières italiennes. La chanson est considérée depuis le début des années soixante comme un hymne de lutte contre les oppressions partout sur la planète, repris dans plusieurs langues.

Elle reste aujourd’hui une chanson de ralliement révolutionnaire, malgré les récupérations commerciales.

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