Une disparition inexpliquée
Ylenia Carrisi, la fille aînée des célèbres chanteurs italiens Al Bano et Romina Power, disparaît mystérieusement à la Nouvelle-Orléans en janvier 1994, à l'âge de 23 ans. Depuis ce jour, elle n'a jamais donné de nouvelles, et son corps n'a jamais été retrouvé. Plus de trente ans après cette énigme, de nombreuses questions demeurent : Ylenia a-t-elle été enlevée et assassinée, a-t-elle choisi délibérément de disparaître, ou a-t-elle mis fin à ses jours ? Ce drame a entraîné la séparation du couple emblématique, chacun tentant de surmonter cette tragédie. Le père s'investit dans la quête de la vérité, tandis que la mère sombre durant de longs mois dans une dépression dont elle ne parvient à émerger que grâce à des excès de marijuana.

Ylenia grandit sous le regard des caméras, explorant le cinéma, la télévision et la musique. À l'âge de 13 ans, elle fait ses débuts dans un film où elle partage l'affiche avec ses parents. Par la suite, elle devient assistante du présentateur du jeu télévisé « La roue de la fortune ». Bien que le monde du spectacle ne l'attire que peu, Ylenia, qui a poursuivi des études littéraires à Londres, aspire à devenir romancière. À 23 ans, elle choisit de vivre une aventure en parcourant le monde. Elle vend tous ses biens pour financer ce voyage extraordinaire, emportant avec elle un sac à dos et un carnet pour noter ses inspirations en vue d'écrire un livre. Elle débute son périple en Amérique du Sud, où elle séjourne quelques mois à Belize. Le 26 décembre 1993, elle quitte les Caraïbes et prend un bus en direction de la Nouvelle-Orléans. Le lendemain, son frère Yari décide de lui faire une surprise en venant la retrouver. Convaincu qu'il pourra facilement la trouver dans un petit village voisin de la capitale de la Louisiane, il commence à frapper aux portes et interroger les commerçants. Il découvre finalement qu’Ylenia est logée dans un hôtel à la Nouvelle-Orléans, mais il ne parvient malheureusement pas à la localiser. Il continue donc son voyage en solitaire.
C’est le 6 janvier 1994 qu’Ylenia est vue pour la dernière fois par le réceptionniste de l’hôtel. Elle quitte les lieux sans le sac à dos qu’elle avait toujours avec elle. Ylenia Carrisi ne reviendra pas.

Le 18 janvier 1994, Al Bano et Romina Power se rendent en Louisiane. La famille est préoccupée, car Ylenia a l'habitude de rester en contact. Ils alertent rapidement la police pour signaler sa disparition, et l'affaire fait la une des journaux américains et italiens.

Un suspect remis en liberté faute de preuves
La police remonte jusqu’à l’hôtel bon marché Le’Dale, situé dans le quartier français de la Nouvelle-Orléans. Elle découvre qu’Ylenia s’est intégrée dans la vie locale, en côtoyant des musiciens de rue et des sans-abris.
Le propriétaire de l’hôtel explique que la jeune femme est partie sans son sac à dos, donc, mais également sans ses vêtements, sans son appareil photo, ses cahiers et ses bagages. Il informe aussi la police qu’Ylenia avait loué une chambre avec deux lits simples et qu’elle y avait séjourné avec un homme répondant au nom d’Alexander Masakela, âgé de 54 ans.
Six mois avant la disparition de leur fille, la famille Carrisi avait voyagé à la Nouvelle-Orléans. Ylenia avait alors fait la connaissance de Masakela, un trompettiste de rue. Violent, consommateur régulier de stupéfiants, Alexander Masakela attirait les jeunes femmes avec des drogues hallucinogènes pour abuser d’elles.
Le propriétaire de l’hôtel indique également que Masakela avait tenté de prolonger la location de la chambre en payant avec des chèques vacances non signés, appartenant à Ylenia Carrisi, et en présentant le passeport de la jeune femme. Arrêté par la police le 31 janvier 1994 à la suite d’une plainte pour viol, Masakela est également interrogé sur la disparition d’Ylenia. Il raconte qu’ils se sont rencontrés dans la rue, qu’ils se sont liés d’amitié, et qu’étant SDF, Ylenia l’avait invité à partager sa chambre. Il admet que malgré ses multiples avances, Ylenia avait toujours refusé d’avoir une relation sexuelle avec lui.
En revanche, l'enquête révèle l'emprise que Masakela, sorte de gourou new age, a exercé sur Ylenia comme sur de nombreuses autres femmes. Elle ne cessait de chanter ses louanges et de parler de l'éveil spirituel qu'il avait suscité en elle. Romina Power a longtemps été convaincue qu’Alexander Masakela avait enlevé Ylenia après l’avoir droguée et isolée pour la plonger dans un réseau de traite d’êtres humains.
Faute de preuves suffisantes, Alexander Masakela a été libéré après 15 jours de détention et n’a plus jamais été mis en cause dans cette affaire.
Ylenia s'est-elle jetée dans le fleuve ?
Une nouvelle piste fait surface. Anthony Cordova, le gardien de l'aquarium de la Nouvelle-Orléans, affirme avoir aperçu une jeune femme blonde ressemblant à Ylenia Carrisi se jeter dans le Mississippi, puis disparaître dans le courant et les vagues provoquées par un bateau, lors de la nuit du 6 janvier 1994. Cependant, il ne peut garantir qu'il s'agissait bien de Ylenia. Les recherches n'ont pas permis de retrouver son corps, et les déclarations du gardien suscitent des doutes. D'autant plus qu'un autre homme affirmait, quant à lui, que la jeune femme était encore en vie en 1996.
En réalité, de nombreuses pistes infructueuses se sont succédé au fil des ans. Ylenia aurait été aperçue aux quatre coins du monde, rendant la situation encore plus éprouvante pour sa famille.
Le tribunal de Brindisi acte le décès présumé d'Ylenia
En 2012, Albano Carrisi sollicite le tribunal de Brindisi, dans les Pouilles, afin de faire reconnaître officiellement le décès de sa fille. Romina Power s'y oppose fermement, convaincue qu'Ylenia est toujours vivante. Quelques années plus tard, elle confiera être consciente des faibles chances que cela soit vrai. Le tribunal prononce le décès présumé d’Ylenia Carrisi au 31 décembre 1993 (heure de la Nouvelle-Orléans) et au 1er janvier 1994 (heure italienne), date de son dernier échange téléphonique avec sa famille.
La piste du tueur en série
Cependant, en 2015, des restes d’un corps féminin sont découverts près d'une station-service en Floride. Keith Hunter Jesperson, un chauffeur de camion et tueur en série, avoue en 1997 avoir violé et tué une jeune femme blonde qui faisait de l'auto-stop avec un sac à dos, se présentant sous le nom de Suzanne, un prénom qu'Ylenia avait utilisé durant son voyage. Bien que la reconstitution faciale de la victime assassiné présente des similitudes avec le visage d’Ylenia, les tests ADN effectués par Interpol révèlent que le corps n'est pas celui d'Ylenia Carrisi.
Plus de 30 ans plus tard, l'enquête demeure ouverte au sein de la police de la Nouvelle-Orléans, un fait qui peut en partie s'expliquer par la notoriété des parents, icônes de la chanson italienne.

Keith Hunter Jesperson, condamné à la prison à perpétué pour le meurtre de 8 femmes (Photo AP)
L'ombre de Masakela rôde toujours
Si Romina Power refuse de croire au suicide de sa fille, Albano, en revanche, est convaincu qu’Ylenia s'est effectivement jetée dans le fleuve en criant, d’après un témoin, « J’appartiens à l’eau ». Ces mots, qu'elle prononçait enfant avant de plonger, semblent le hanter. Il fait également le lien entre ce tragique événement et Alexander Masakela, qu'il accuse d’avoir exercé un lavage de cerveau sur sa fille.
Albano confie avoir lu les journaux intimes d’Ylenia dans l'espoir de mieux comprendre sa souffrance. Il y a découvert la douleur qu'elle ressentait face à la vie, exacerbée par une rupture tumultueuse avec le guitariste de Tin Machine, ainsi que son incapacité à accorder sa confiance à quiconque par la suite. Ylenia, en quête de rébellion, fumait des joints et rejetait le milieu bourgeois dont elle était issue.

Dans une interview, Albano révèle qu'il avait compris que sa fille était sur une voie autodestructrice bien avant son dernier voyage, même s'il lui était difficile d'accepter cette réalité. Leur relation tumultueuse avait conduit Ylenia à s’échapper, lors d'un voyage familial à la Nouvelle-Orléans, vers un quartier mal famé. Inquiet, Albano l'avait suivie, mais elle avait réussi à le semer en le dénonçant à la police comme un poursuivant.
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